Marcel Barouh s’en est allé

C’est avec une profonde tristesse que nous vous annonçons le décès de Marcel Barouh, survenu à l’âge de 91 ans ce 7 janvier. Ce champion d’exception laisse derrière de nombreux titres et une passion immense pour notre discipline.

Il était le plus ancien de nos champions de France, Marcel Barouh s’en est allé le 7 janvier dernier à 91 ans. Multiple champion de France entre 1958 et 1962, sélectionné en équipe de France aux championnats d’Europe et du monde et classé 9ème joueur européen en 1958 et 1959, il était sans nul doute l’un des plus prestigieux joueurs de tennis de table français.

Champion de France en simple 1958 à Saint-Etienne sous le maillot du BHV, 1960 à Compiègne et 1961 à Macon avec le Racing et 1962 à Rennes avec les couleurs de l’ACS Fontenay, mais aussi en double en 1959 et 1961 et par équipes avec sept titres de champion de France libre (1953 (Cavigal de Nice), 1957 et 1958 (BHV), 1959 (Racing Club de France), 1960 et 1961 (RCF) et 1964 (ACS Fontenay), Marcel Barouh laisse derrière lui un formidable palmarès, obtenu notamment lors de cette épopée du sport en entreprise « libre ». En témoigne son parcours pongiste avec le ESSO Sport, club de la société qui l’employait et avec lequel il aura été sacré 5 fois de suite champion de France corporatif.

Retour sur son parcours grâce à l’association Jacqueline et Didier André de Sauvegarde du Patrimoine du Tennis de Table (article disponible dans son entièreté via ce lien) :

Né le 16 janvier 1934 à Paris de mère anglaise, Marcel Barouh a débuté le ping au Ruhl de Nice après la guerre, vers l’âge de 15 ans. De son aveu même, il ne figure pas au palmarès des meilleurs cadets et juniors, son éclosion est tardive. Il se révèle cependant dès l’âge de 18 ans en remportant la coupe de France 1952 sous les couleurs du Cavigal de Nice.

Marcel est alors 3ème série. Il va dès lors enchaîner les victoires pour se constituer un palmarès prestigieux. De 1952 à 1955, il sera le champion pongiste de la Côte d’Azur. Sa langue maternelle le conduira en 1956 et 1957 en Angleterre pour parfaire sa pratique du métier de traducteur qu’il va exercer chez ESSO lorsqu’il monte à Paris. Durant cette période, Marcel va tout gagner sous les couleurs successives du BHV, du Racing et de Fontenay en libre, ainsi que d’ESSO Sports en corpo.

Précurseur en France du jeu moderne polyvalent à mi-distance, basé sur la vitesse, la rotation et le placement, il prend le tournant que permet l’évolution des revêtements backside inventés à Yasaka au Japon en 1954. Il est à ce titre, l’un des pionniers du beau jeu qu’incarnera quelques années plus tard Jacques Secrétin, contribuant grandement à l’intérêt visuel de notre discipline.

Classé 9ème joueur européen en 1958 et 1959, il participera à différents championnats d’Europe à Budapest (1958), Zagreb (1960), Berlin Ouest (1962) et une fois aux championnats du monde 1959 à Dortmund. Meilleur français de cette époque, il portera de nombreuses fois le maillot de l’équipe de France dans des rencontres internationales entre 1958 et 1962, date à laquelle il tira brutalement sa révérence.

Alors meilleur pongiste français, Marcel Barouh était sollicité sur la scène internationale, notamment pour des tournées dont celle d’Afrique du Sud, d’une durée de trois mois pour laquelle il s’était engagé vis-à-vis des organisateurs après avoir obtenu un congé spécial de son employeur et l’accord oral du président de l’époque de la Fédération, après s’être assuré que ce déplacement n’entraverait en rien ses obligations nationales en équipe de France. Néanmoins, il recevait trois jours avant son départ, une lettre lui interdisant de participer au motif qu’il existait là-bas l’apartheid. Au même moment, le XV de rugby disputait un match à Pretoria contre les Springbok, Robert Cohen y défendait son titre mondial des coqs en boxe et la paire Darmon/Haillet y jouait un match de coupe Davis. Face à cette inégalité de traitement par rapport aux autres disciplines, Marcel Barouh bravait l’interdit, tenait ses engagements, et allait honorer son contrat. À son retour, il se voyait jugé et condamné à 6 mois de suspension avec sursis. Marcel Barouh recevait cette sanction comme une offense, un désaveu personnel.

Plutôt que de faire arbitrer le conflit par le tribunal arbitral du Sport, Marcel Barouh prît la décision de cesser toute représentation en championnat national et en équipe de France dont il était pourtant le pilier incontesté. Ainsi, sa carrière s’arrêta brutalement, en pleine gloire.

Par la suite, Marcel Barouh exercera dans le milieu du tennis de table, précurseur également d’un monde où le sport, devait se professionnaliser pour être compétitif à l’international. Ainsi, il a longtemps pu prodiguer ses conseils en tant qu’entraîneur. Ceux qui l’ont côtoyé se souviennent d’un homme de grande éducation, un gentleman à l’élégance personnifiée. Son jeu était à son image, soigné, sans heurts, tout en finesse, avec un sens de l’analyse, de l’anticipation et de la réplique. Jouant avec tous, il savait cependant vite repérer les meilleurs et, en fin d’entraînement, avait plaisir à s’accorder de bonnes balles avec les plus forts, pour le régal des yeux de ceux qui rêvaient de l’égaler. Un entraîneur avec deux règles d’or : toujours donner du plaisir au joueur, quel que soit son niveau pour le motiver à persévérer et enseigner les règles du fair-play (« aucun titre, aucune médaille ne mérite que l’on triche par quelque artifice ou subterfuge que ce soit » M.B.).

Homme distingué dans la vie, qui a su se distinguer sportivement, il sera distingué par la médaille d’or du ministère de la Jeunesse et des Sports (1978) et recevra la médaille de vermeil de la Ville de Paris (1962) et d’argent de sa chère ville de Nice (dès 1953).

Marcel Barouh coulait des jours paisibles sur sa chère Côte d’Azur et avait troqué depuis une vingtaine d’années la raquette de ping au profit de celle de tennis, mais conservait sa passion pour le ping, comme en témoigne sa présence en tribune lors des championnats de France 2023 à Antibes.

La Fédération française de tennis de table et son conseil fédéral adressent leurs plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.